The World is Dancing

« The World is Dancing« , publié par Vega Dupuis, est un nouveau manga qui se distingue par son originalité et sa capacité à captiver le lecteur dès les premières pages. Ce récit, riche en émotions et en rebondissements, nous invite dans un monde où la danse devient le langage universel des personnages, révélant leurs espoirs, leurs rêves, et leurs luttes. Une véritable bouffée d’air frais dans le paysage du manga actuel, qui promet de marquer les esprits.

Nous sommes en pleine période Muromachi (1336-1573). Le jeune Oniyasha s’entraîne assidûment sous la tutelle de son père, Kan’ami, grand maître de l’art du sarugaku, un précurseur du théâtre nô. Mais ce garçon singulier s’interroge profondément sur le sens de son existence : « Le corps de l’oiseau est fait pour voler, celui du poisson pour nager. Mais quel est le but du corps humain ? » Jour après jour, il se consacre à la danse, sans vraiment en saisir la signification, jusqu’à ce qu’une rencontre inattendue avec une femme misérable, exécutant une danse magnifique, bouleverse sa perception.

Touché en plein cœur par cette scène, Oniyasha commence à explorer avec passion le monde du corps et du mouvement, cherchant à comprendre ce qui pousse l’homme à danser. Ce jeune garçon, connu plus tard sous le nom de Zeami, deviendra le créateur historique du théâtre nô. Il se lance dans une quête profonde : incarner le monde à travers la danse et donner un sens à l’existence humaine par l’expression artistique.

Petit point historique sur le théâtre No :

Né à la fin du XIIIe siècle au Japon, le nō est une forme théâtrale qui fusionne deux traditions distinctes : les pantomimes dansées et les chroniques versifiées récitées par des bonzes errants. Ce drame, caractérisé par un protagoniste masqué, était traditionnellement joué lors des jours de fête dans les sanctuaires shinto.

Au fil du temps, le nō a évolué, influençant aussi bien les arts populaires que ceux de l’aristocratie. Cette mutation a permis au nō de former la base d’autres formes théâtrales japonaises, notamment le kabuki.

Originaire de la préfecture de Fukui, Kazuto Mihara entame sa carrière de mangaka en travaillant aux côtés du célèbre Takehiko Inoue, créateur de « Slam Dunk« . Sa première série, Hajime Algorithm, publiée dans le magazine Morning de Kodansha, se déploie sur dix volumes et raconte l’histoire fascinante d’un jeune écolier qui se révèle être un prodige des mathématiques.

Fort de ce premier succès, Mihara se tourne vers un sujet encore plus ambitieux : la vie de Zeami, le génie à l’origine du théâtre nō. Avec The World is Dancing , il plonge dans l’univers riche et complexe du nō, explorant les débuts de cette forme d’art traditionnel à travers les yeux du jeune Zeami.

Le style de dessin s’harmonise parfaitement avec l’histoire racontée. La représentation du folklore japonais et la reconstitution minutieuse de la vie quotidienne dans les campagnes du 14ème siècle sont d’une telle authenticité que l’on se sent véritablement transporté dans cette époque lointaine. L’atmosphère générale est pesante et austère, un reflet fidèle de la dureté de cette période historique. Le héros, avec sa sensibilité à fleur de peau, est profondément touchant, et sa philosophie naissante, empreinte d’une humanité bouleversante.

Les scènes de théâtre, et plus particulièrement celles dédiées à la danse, sont un véritable chef-d’œuvre de précision. Elles sont pensées avec une grande profondeur. Cette finesse artistique contribue à immerger le lecteur dans un monde où l’art et la vie se confondent, révélant la beauté cachée dans les aspects les plus sombres de l’existence.

Pour moi c’est une pépite, à lire ou à posséder. Terminé en 6 tomes.

Chronique de Camille Rappeneau.

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