Les Fantômes du Mont Blanc

Un peu de fraîcheur et de poésie dans le milieu éditorial de ces derniers mois avec la bande dessinée de Phicil Les fantômes du Mont-Blanc. Depuis octobre 2022, avec la sortie du titre Les Pizzlys de Jérémie Moreau, les Éditions Delcourt ont varié les dimensions des BD de leur collection Mirages. L’album de Philippe Gillot, de son vrai nom, assisté par Stéphanie Branco pour le scénario et Reiko Takaku pour les couleurs, mérite clairement de se trouver dans un format plus prestigieux qui met en valeur ses illustrations aux grandeurs multiples. Narrateur hors pair, j’ai été charmée par bon nombre de ses publications. S’il est parfois accompagné par un scénariste, j’ai une préférence pour son travail en solo. Ses histoires sont sensibles et imaginatives. Elles oscillent entre le conte et le récit folklorique. L’auteur m’a emmenée au Tibet, aux Etats-Unis et en Angleterre. Aujourd’hui, j’aborde les frontière de mon pays, la Suisse, les Alpes françaises, en Haute-Savoie.

Eve, qui a dégoté un job à la ville, doit se séparer de son compagnon à quatre pattes Bernie « le bouvier bernois » (faut être précis). Elle a trouvé une âme charitable en Walter Weiss, artisan horloger à Saint-Gervais-les-Bains. Monsieur est méthodique et tout est réglé comme un vieux coucou. Dans sa boutique où il répare et restaure, montres et pendules, se trouve son atelier. Le toutou y fait irruption et reste scotché devant un mur recouvert de clichés. Il lui est interdit de monter à l’étage, il passe donc la nuit coincé au rez-de-chaussée. Dérangé dans son sommeil par un bruit, il se réveille face à un canin bizarre et sa maîtresse. Ces deux apparitions représentent des personnes figurant sur l’une des photographies.

La jeune femme ne se souvient ni de son prénom, ni de son vécu. Bernie a repéré à son arrivée une échoppe « La fabrique des souvenirs ». Il pense que c’est le meilleur endroit pour gratter des informations. Une figure étrange à la tête en forme de pelote de laine les accueille. De fil en aiguille, elle trouve dans son bric à brac l’objet qui va raviver des vestiges de sa vie d’avant. Elle apprend qu’elle se nomme « Edèle » et que Mr Weiss a un lien avec son passé.

Les prochains jours, ils vont bourlinguer par monts et par vaux dans les contrées alpines, à la recherche d’autres indices afin de rétablir sa mémoire défaillante. Dans ses paysages enneigés et féériques où se croisent bouquetin et chimères, nos protagonistes vont aller de surprise en surprise.

Cette intrigue est à la fois historique, fantasmagorique et sociétale. L’assemblage est brillant et le scénario captivant. Je retrouve avec bonheur le dessin de Phicil qui m’éblouit toujours autant. J’ai été conquise par Le petit rêve de Georges Frog, qui fait une petite apparition dans ce nouvel opus. J’ai été envoutée par la malicieuse lutine du Grand voyage de Rameau, tous les deux publiés par Éditions Soleil dans leur prestigieuse collection Métamorphose.

Il réalise ses planches en tradi, encrage plus aquarelle et rajoute quelques coloris à l’aide de l’ordi. Les panoramas sont somptueux et les constructions élégantes. L’ouvrage est constitué majoritairement de pigments bleus et de rose corail.

J’adore la chevelure rousse et broussailleuse de l’héroïne et l’expression intelligente et pataude de Bernie. Enfin, j’aime tout simplement Phicil et ses publications !

Chronique de Nathalie Bétrix


© Delcourt, 2024.

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