Friday – Livre 3

Ed Brubaker, Marcos Martin et Muntsa Vicente lancent leur Miss Marple patte d’eph dans un épilogue tumultueux avec Friday – Livre 3 aux éditions Glénat. Quand une rousse incendiaire se métamorphose en une personne dangereuse et imprévisible, elle risque de mettre sa ville natale à feu et à sang.

Peu après être revenue à Kings Hill, Friday Fitzhugh trouve son complice Lancelot Jones mort. Ils formaient un duo d’enquêteurs extraordinaires toujours prêt à aider les forces de l’ordre sur des dossiers épineux. Lui était la tête, elle les muscles.

Lors de cette nuit fatidique, leur Q.G. secret est en proie aux flammes. Friday sera victime d’une agression alors qu’elle tentait de récupérer le cadavre de son camarade. Lorsqu’elle se réveille, après s’être évanouie, les preuves l’accablent. Les policiers sur place n’auront d’autre choix que de l’incarcérer.

Friday tombera en prison sans passer par la case départ.

Mais c’est sans compter sur l’esprit vif de son ex partenaire, qui lui aura laissé quelques indices et gadgets afin qu’elle puisse se sortir de ce mauvais pas et mettre un terme à ce cauchemar.

La difficulté réside dans le fait que pour un surdoué, les choses paraissent évidentes tandis qu’elles le sont beaucoup moins pour le commun des mortels.

Peu importe les obstacles, Friday est déterminée comme jamais à honorer la mémoire de son meilleur ami et boucler cette enquête. La demoiselle s’embarque pour une quête vengeresse aux frontières du réel, l’affaire concerne une ancienne légende locale et les vilains petits secrets que cache cette communauté du bord de mer.

Ed Brubaker clôt son polar rural magistralement, il se laisse guider par sa perspicacité d’auteur intuitif et une intrigue à tiroirs bourrée de péripéties. Le récit est bigrement bien construit comme à l’accoutumée avec le bonhomme. L’innocence perdue, les premiers émois amoureux ou le deuil flirtent avec le ton young-adult, l’ensemble s’agrémente d’une ambiance surnaturelle. Brubaker distille les clés de son énigme depuis le début. Le désir est d’offrir une histoire alliant l’efficacité scénaristique à la caractérisation pointue où l’action prend à la gorge. Le conteur explore et creuse un univers autarcique au souffle épique auréolé d’une atmosphère glaciale un brin paranoïaque. Les dialogues et pensées des personnages résonnent d’authenticité, ils sont habilement déposés au plus près des cadres et autres phylactères. Friday s’affirme comme une œuvre dense, pleine d’énergie et habitée d’une séduisante héroïne baroudeuse.

Marcos Martin privilégie une mise en scène limpide, fluide que Muntsa Vicente unifie d’une colorisation en fusionnant au sein d’une même planche le minimalisme au vintage. Le prodige catalan s’investit totalement dans son art, il est un artisan passionné. La composition allie la simplicité, un sens accru du naturel à l’élégance visuelle. Le crayonné se déploie sur le papier grâce à un style lisible, dynamique voire épuré. Le trait est fin, plutôt détaillé à l’instar d’un encrage pénétrant. Le séquençage cinématographique favorise le 5/6 cases par feuillet ainsi que les incontournables splash-doubles-pages percutantes. Muntsa Vicente maîtrise totalement sa gestion des couleurs. La pigmentation donne une interprétation des contrastes en osmose avec le ton de l’histoire. Les nuances manifestent une volonté ferme de s’appliquer dans un esprit autant chamarré qu’insolite. La coloriste affiche un Flower Power clair-obscur varié typiquement représentatif de la coolitude des années 70 et du climat oppressant qui régnait à cette époque.

Cette nouveauté des éditions Glénat est une lecture immersive, une plongée fantastique au cœur d’un crime-comics aussi lyrique qu’onirique. L’amateur éclairé ne lâchera rien jusqu’à la conclusion.

Chronique de Vincent Lapalus.


© Glénat, 2024.

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