L’univers elseworlds opère un retour retentissant au travers du Black Label de DC Comics. Bat-Man The First Knight de Dan Jurgens, des Mike Perkins et Spicer aux éditions Urban Comics est un hommage solennel aux récits originels du justicier masqué imaginé par le duo infernal composé de Bill Finger et Bob Kane.
1939, le désespoir frappe de plein fouet les États-Unis. Gotham City est en miettes. Le fascisme monte en puissance. L’économie a implosé, le taux de criminalité grimpe en flèche. La famine, le désordre et le chaos urbain règnent.
Une voix énigmatique et radiophonique envoie des golems répugnants tuer les conseillers municipaux les uns après les autres, aucune catégorie sociale n’est à l’abri.
Les artères sont bouchées à tous les niveaux, le commissaire Jim Gordon subit une pression monstre. Il ne se fie à personne car la corruption touche l’ensemble de la population sans distinction. De plus, Gordon doit également gérer l’apparition d’une curieuse chauve-souris à l’apparence humaine arpentant les rues.
Mais Jim peut compter sur le soutien inconditionnel du richissime Bruce Wayne en ces moments difficiles. Le dandy se trouve toujours au bon endroit et au bon moment pour soutenir son ami des forces du G.C.P.D.
Le pénitencier de Black Gate ou l’asile d’Arkham représentent l’incarnation du mal, le fonctionnaire de police et la créature de la nuit deviennent la nouvelle attraction en ville. Eux seuls seront en mesure de lutter contre les pires prédateurs….
Dan Jurgens, celui-là même qui tua L’Homme d’acier en son temps et est connu principalement pour sa production super-héroïque, bifurque du côté du crime comics avec un talent remarquable. Il élabore un polar acariâtre et rythmé plongeant dans une époque américaine trouble. Le script exhale le doux parfum des magazines populaires, peu coûteux et de piètre qualité en provenance directe du début du vingtième siècle. Jurgens puise l’inspiration dans des faits existants et ancre son récit hors de la continuité classique du Chevalier Noir. L’ensemble se combine à merveille, le scénariste réussit l’exploit d’innover tout en respectant un background riche de 75 ans d’existence. Le one-shot mêle brillamment des genres très variés comme la romance, le fantastique en faisant un crochet par l’horreur et les enquêtes de détectives. Batman possède la particularité de se plier à n’importe quel caprice pour peu que l’auteur soit inspiré. The First Knight est un chef-d’œuvre de film noir effrayant et défrayant la chronique parsemé de personnages ambigus et situations violentes.
Mike Perkins retient l’attention du lecteur grâce à une composition saisissante. L’artiste séduit par son approche graphique charmeuse, sa narration enjôleuse que le coloriste Mike Spicer parachève d’une luminosité ambiancée voire diaboliquement ombragée dans le pur style des années 30. Le dessin fouillé lorgne vers un réalisme pictural. Les personnages débordent d’expressivité, ils se fondent dans un climax ténébreux. Un soin méticuleux est apporté aux costumes, véhicules ainsi qu’aux décors. La délimitation des bordures se veut clean et propre. Le découpage n’en est pas figé pour autant, il s’évanouit dans une habile mouvance au gré des planches. L’encrage est élégant, il se projette à l’aide de grands aplats sombres si nécessaire. L’artiste rend une copie impeccable et sublime le réel, ses productions récentes sur Swamp Thing Infinite et Lois Lane – Ennemie du peuple en sont de parfaits exemples. La colorisation, en adéquation avec le coup de crayon, est ambitieuse sinon riche. Elle exprime la force, la maturité d’un éclairage subliminal et atmosphérique. Les textures de nuances sont soignées afin de privilégier des scènes nocturnes très marquées. La sensualité pigmentée s’accompagne de dynamisme pour améliorer grandement les scènes de quiétude et d’action.
Cette nouvelle traduction d’ Urban Comics est LA lecture pulp-moderne indispensable pour démarrer la rentrée 2024 en fanfare. La silhouette de Lamont Cranston et l’esprit de Denny Colt hantent chaque recoin de l’album.
Chronique de Vincent Lapalus.


©Urban Comics, 2024