POURQUOI JE SUIS COMME ÇA?

Pourquoi je suis comme ça ?, cette phrase je me la suis posée de nombreuses fois quand j’étais plus jeune. J’étais boulotte et lorgner sur un carré de chocolat me faisait gagner comme par magie quelques grammes. Vous, vous imaginez bien ce que cela pouvait donner si je décidais d’en croquer une ligne entière, voire toute une plaque. J’ai passé des années à me contrôler, à craquer, à m’en foutre ou à pleurer. Les gosses sont méchants, mais les adultes le sont aussi. Jenny Jordhal est une autrice et bloggeuse norvégienne. Après avoir illustré deux titres sur le féminisme aux éditions Larousse avec Breen Marta, elle nous propose en solo, aux éditions de La joie de lire, un titre sur l’acceptation de soi.

Janne est en surpoids. Ses rondeurs lui occasionnent bien des désagréments. Des brûlures entre les cuisses à cause du frottement, les railleries de ses camarades de classe et le mépris de sa maîtresse. Sa corpulence ne le lui permet pas vraiment, mais parfois elle aimerait disparaître aux yeux de tous. Heureusement, elle a sa copine Lene.

Pour son goûter, elle se rend à la boulangerie et en ressort avec une pochette remplie de donuts. Elle se cache dans un fourré et les ingurgite les uns après les autres. Chez elle, ce n’est pas beaucoup mieux. Ses parents maladroits, tentent de l’aider, mais n’utilisent pas toujours la bonne manière pour l’épauler. Dernière idée en date, lui donner dix euros à chaque kilo perdu.

Les jours passent et ne se ressemblent pas. Suite à un événement malheureux le jour de la Saint-Valentin où une fois encore la pauvre Janne se fait moquer, elle perd l’amitié de Lene. Retranchée dans un endroit isolé de la cour de récré, elle ne peut qu’observer son alliée de toujours blaguer avec ses pires ennemies. C’est à ce moment-là que surgit comme par enchantement l’un des garçons les plus canons du collège, Bragi. Si une complicité peut en remplacer une autre, cela ne change en rien les souffrances de l’ado.

Son ombre, son double, grossit de plus en plus autour d’elle, la maltraite et la terrorise. Les coups pleuvent ainsi que les humiliations quotidiennes. La gamine est à deux doigts de craquer. A ce stade, il ne reste plus que deux alternatives « s’en aller » ou « se battre ». Moi, j’en connais une troisième, elle se situe entre les deux….

Cette petite bande dessinée qui ne paye pas de mine, nous submerge d’émotions. La couverture est intrigante. L’image de l’héroïne entourée d’une caricature d’elle-même filiforme, en dit beaucoup ou pas assez. Si le graphisme est rudimentaire et paré de peu de détails, il n’en est pas moins agréable et saisissant. Je le trouve même plutôt approprié à la thématique du récit. L’inquiétant ogre obèse qui l’entoure et l’accompagne tout au long de l’histoire est asphyxiant et même quand il perd de sa splendeur, il continue à nous étouffer. Cette silhouette malveillante, me colle encore aujourd’hui à la peau…

Que l’on soit « grosse » ou « maigre », ça ne convient pas. Et si on arrêtait tout simplement de se jauger et de se juger et que l’on s’aimait sans concession pour ce que nous sommes vraiment…

Chronique de Nathalie Bétrix


©Éditions La Joie de Lire, 2024.

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