Quelle est donc cette main de robot géante, et recouverte de mousse, en couverture de Geist maschine – a story about what happened in the future ? S’il faudra arriver au bout du volume 1 pour avoir des éléments de réponse, le doute n’est pas permis sur le genre. Le talentueux auteur italien LRNZ nous offre un récit post-apocalyptique et de science-fiction qui décoiffe, superbe, aux éditions Rue de Sèvres. Les 6 500 personnes ayant suivi l’élaboration de cette bande-dessinée sur Twitch ne s’y sont pas trompés. Le format est généreux, permettant aux cases de s’insérer dans d’époustouflantes pleines pages, que ce soit en terme de couleurs ou d’actions. La légende raconte que le monde a été détruit par un enfant… Quoi qu’il en soit, entre les loups, les mutants, et la concurrence féroce dans la recherche de nourriture, la survie ne tient qu’à un fil… L’auteur oppose un univers détruit à des enfants débordant de vie, dans un style se rapprochant parfois des Mangas et comics, mais qui lui est propre, réaliste et percutant. Les émotions sont bien présentes, on s’attache forcément à ces enfants qui se débattent avec leur quotidien dangereux, inconscients des éléments supérieurs qui régissent leur monde.
L’auteur nous offre un démarrage à la Akira, et ce ne sera pas la seule référence à la culture nippone. Le monde a été détruit par une série d’explosions… Si les traces des temps anciens – le multidark – sont rares, certains ont survécu. La famille du jeune Len et de son grand frère Sol tente de rejoindre Utan, mais le chemin est semé d’embûche. Quand les parents sont dévorés par des loups, l’adolescent solitaire Aiden vient en aide aux deux orphelins. Ensemble, ils découvrent fortuitement un abri des plus insolites. Une machine géante, qui semble totalement hors-service et à l’abandon. Vont-ils rester en trio, comme ils en font le serment ? Rejoindront-ils la cité où la grandeur de la civilisation humaine aurait été préservée ? Que signifie la réactivation de la Geistmaschine après 30 ans ? Qui est Eirene, demoiselle vivant dans une forteresse mais se sentant plus chevalier que princesse ? Les bases d’un scénario élaboré sont posées : vivement le second volume !
Le post-apocalyptique est un régal pour les yeux. L’organisation du dessin est déstructurée par des lignes brisées : arbres penchés, immeubles effondrés, carcasses de voiture viennent perturber et enrichir les différents plans, apportant de la profondeur et nous plongeant dans l’inconnu. Le dessin est aussi soigné que la colorisation, jouant d’associations subtiles et très harmonieuses, de la rouille sous ciel bleu aux 50 nuances de vert. Le végétal a pris sa revanche sur l’occupation humaine en dominant tous les espaces, même intérieurs. Les jeux d’ombres et de contre-jour participent à nous immerger dans une ambiance angoissante. Certains paysages sereins et ciels étoilés apportent une touche d’espoir. Et soudain, laissent place à des scènes cauchemardesques, entre rouge sang qui flashe ou noirceur profonde. Les arrières-plans des pages magnifient le récit tout en lui donnant un rythme qui fonctionne à merveille.
LRNZ est le roi du storyboard, avec une maîtrise parfaite du dessin. Il nous propose une histoire complexe et aboutie, promesse d’une saga de haut vol, qui claque et qui vaut la peine d’être lue et relue !
Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.


©Rue de Sèvres, 2024.