VERTS

Lorsque j’ai croisé le regard noir de cette fillette sertie d’une ramure, j’ai tout de suite compris que ce titre allait me plaire. Verts de Patrick Lacan et Marion Besançon aux éditions Rue de Sèvres, dégage une atmosphère délicate et apaisante. Ne vous y trompez pas, quand la nature et les humains s’y mettent, la désolation n’est jamais très loin. Environ 70% de la planète est recouverte d’eau. La forêt, quant à elle, représente le restant. Et si la flore terrestre décidait de nous rappeler à l’ordre et de prendre possession de l’humanité ?

Quelque part sur notre planète, dans une mégapole, un père et son fils font des courses. Une jeune fille en marge de la société, communie avec la faune environnante. Ils ne le savent pas encore, leur destinée va bientôt être liée.

Une partie des hommes, n’aime pas le changement, car ce qu’ils ne comprennent pas les effraie. Depuis plusieurs jours, partout dans le monde, naissent des enfants affublés d’ornements floraux. Feuilles et branches s’épanouissent sur ces bambins et leurs parents voient en ces petits une bénédiction.

Depuis que la maman de Clarence et dans le coma, il vit seul avec son papa. Tous les deux essayent de surmonter son absence. Le père le surprotège et quand il se rend compte que ses voisins ont un bébé atteint de cette étrange maladie, il commence à disjoncter. Il est persuadé, comme tant d’autres qu’il faut s’en débarrasser. Le « virus » ne touche pas que les nourrissons, il s’étend gentiment à la population. On détecte ceux qui l’apprivoisent, qui le perçoivent comme une faveur et ceux qui déclarent que toute personne contaminée doit succomber.

Le paternel et son gamin ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Clarence se lie d’amitié avec Adèle. Adolescente taciturne, elle sèche les cours où elle ne se sent plus à sa place. Elle préfère passer ses journées à communiquer avec les arbres et les oiseaux. Gibril, s’efforce de ne pas perdre pied face aux angoisses de son compagnon Lucien. Amanda, jeune femme qui exerce dans l’audiovisuel, est très proche de sa grand-mère qui vit en maison de retraite. Elle va souvent lui rendre visite et depuis un certain temps la trouve d’humeur joyeuse et envahie d’une nouvelle énergie. Tous ceux qui acceptent la floraison qui prend vie à même la peau, sont submergés d’une irrésistible volupté. Quant aux autres, la bataille contre l’envahissante verdure demeure vaine.

Des ouvrages qui veulent nous faire prendre conscience qu’il nous faut préserver l’environnement fleurissent à tout va. Est-ce bien ou pas, je ne le sais pas. Après, il y a la manière de le faire. Ici, rien de moralisateur. Patrick Lacan, nous confie avec délicatesse que notre biotope a besoin que nous le respections et que nous prenions soin de lui. Ancien infirmier, scénariste coup de poing sur les bandes dessinées Tristes utopiques aux éditions La boîte à bulles et Vous êtes en trains de vous réveiller publié par Les Enfants rouges, il s’exprime avec conviction, sans détour et sa franchise est positive. Marion Besançon, jeune artiste Normande, a étudié trois ans à l’école Privaut de Nantes. Elle est lauréate du prix Claude Nougaro qu’elle a obtenu en 2015. Elle maîtrise aussi bien le noir et blanc que la couleur dans cet album découpé en quatre chapitres saisonniers. Ses illustrations incolores sont inspirées du manga, expression qui se ressent moins sur les planches colorées. Le vert et le noir dominent tout l’ouvrage et ces deux teintes je les affectionne tout particulièrement.

Je terminerai sur cette observation, jamais création ne m’aura parue aussi lumineuse que ce récit dépourvu, en grande partie, de pigments. Notre fin n’est pas pour demain, la végétation veillera sur nous encore longtemps….

Chronique de Nathalie Bétrix

© Rue de Sèvres, 2024.

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