La sève de nos vies

« En mai, fais ce qu’il te plaît ! » J’ai pour vous la bande-dessinée qui va à merveille avec ce dicton : la sève de nos vies, parue aux éditions rue de l’échiquier. Elle est en effet autant un appel de la nature qu’une invitation à se souvenir et écouter l’enfant qui est en nous ! D’ailleurs, la jeune Sandra, le sourire aux lèvres et les pieds dans l’eau, chatouillée par les petits poissons, nous accompagne dés la couverture aux côtés de l’adulte qu’elle est devenue. Il s’agit autant de profiter de l’instant présent que d’enquêter sur le sombre passé familial et la paysannerie. Avec la talentueuse Marie Aulne à l’écriture, l’ode aux arbres têtards se transforme en intrigue policière prenante, quand la famille se met à recevoir des messages de menace… Le non moins talentueux Mathieu Bertrand l’accompagne aux dessins, qui sont à la fois précis et vivifiants ; avec des planches naturalistes exquises. Un album riche, vigoureux et positif, vivement conseillé ! Dès 12 ans.

Le projet de nouvelle bretelle d’autoroute était la goutte de trop. Sandra démissionne, et s’aperçoit au passage que son compagnon ne la mérite pas. Libérée de ses contraintes, la jeune femme retourne chez sa tante, sur les lieux de son enfance et des vacances. Elle est ravie de ce retour au bercail, qui la ressource au plus haut point. Ce n’est sans doute pas un hasard si son grand-père décédé lui a légué une boite, empli de photos d’arbres-tétards et de lettres émouvantes de ses aïeux. Sandra part à la découverte des belles trognes végétales, si utiles à nos campagnes. Mais, si elle fait de jolies rencontres, elle s’aperçoit aussi qu’elle est loin d’être la bienvenue au village. A quel jeu joue le corbeau qui lui envoie des lettres anonymes, qui est-il et pourquoi fait-il cela ? Cette menace sourde donne du peps à l’intrigue et l’envie de savoir comment ça va finir. Dés lors, c’est de la force des femmes dont il est question. De l’histoire de la paysannerie, aussi : de ceux qui ont subi les guerres et la précarité, ou ont préféré déserter plutôt que d’avoir la gueule cassée comme leurs aînés.

Il suffit de feuilleter rapidement l’ouvrage, souple, pour être conquis par le style graphique, avec une aisance pour les paysages bâtis de vielles pierres comme pour les espaces naturels. Les traits, réalistes, captent aussi bien l’expression des visages que les mouvements sur le vif. Sandra est comme l’eau vive, elle pétille, cheveux libres au vent. Le dessinateur, qui a choisi de belles tonalités d’aquarelle, s’affranchit des cases, et fait danser effluves et feuilles, petits mammifères et oiseaux. Les échanges épistolaires retranscrits avec soin, les notes manuscrites de notre enquêtrice, et les somptueuses planches naturalistes donnent envie de s’attarder sur chaque détail. Les récits s’entrelacent, et l’énergie de notre protagoniste finit par rayonner.

Attention, cette histoire vraiment bien menée et graphiquement aboutie pourrait vous donner envie de vous évader le long d’une rivière, de faire un câlin à un arbre, d’aller discuter au marché, ou même d’envisager une reconversion professionnelle ! Ou tout simplement, prendre autant de plaisir à la découvrir que j’en ai eu !

Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.

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© Rue de l’échiquier, 2024.

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