SNOW ANGELS

Ce mois d’avril est propice à la sortie de la nouvelle publication de Jeff Lemire Snow angels aux éditions Urban comics. Il s’est acoquiné pour la première fois avec le dessinateur Ecossais Mark Simpson plus connu sous le pseudo Jock. A-t-il choisi celui-ci pour l’amour qu’il porte au personnage du Joker ou pour faire un pied de nez à Batman, le héros sur lequel il a œuvré plusieurs fois graphiquement ? Leur collaboration est indiscutablement une réussite, autant pour son récit glacial que par son illustration acérée.

Visualisez une tranchée dans laquelle des citoyens ont trouvé refuge depuis des décennies. Ce sillon n’est pas fait de terre, c’est une fortification givrée dont les murs les empêchent de s’échapper. Mais à vrai dire, qui le souhaiterait ? Pour s’y déplacer, ils chaussent des patins. Milliken et Mae Mae y ont vu le jour et elles y vivent avec leur papa. C’est aujourd’hui une date importante car Milliken fête ses 12 ans. Le paternel les a emmenées en dehors du camp pour une partie de chasse. Depuis qu’elles sont toutes petites, il les élève à la dure et ça leur plaît. Ce n’est pas au goût de tous. Pourtant, la réalité qui les entoure, l’oblige à les rendre plus aguerries. Pour son anniversaire, elle reçoit un étrange boitier qui vient du passé.

Après une courte nuit de repos dans le froid, il est temps de retrouver la colonie. Heureux de rapporter la pitance, il appelle ses congénères. Personne ne lui répond ! L’agglomération semble déserte. L’horreur absolue prend forme sous leurs yeux, un tapis de cadavres s’étale devant eux. Dans le silence étouffant, ils discernent un bruit de lame sur la glace. L’adversaire est de retour. Le père doit cacher les fillettes au plus vite, avant que le détracteur ne réaparaisse. Il revient pour eux. Il le sent, il le sait. Camouflée sous les cadavres, Milliken, voit surgir un être gigantesque et malfaisant « l’homme des neiges ». Celui qu’elle pensait n’être qu’une légende urbaine, se dresse devant elle….

Par la force des choses, c’est le début d’une fuite effrénée. Deux options s’offrent alors à eux. Rester dans la tranchée ou monter à son sommet et désobéir à la deuxième règle : ON NE DOIT JAMAIS, Ô GRAND JAMAIS, QUITTER LA TRANCHEE, IL N’Y A QUE LA MORT… Au travers de cette course poursuite, les jeunes sœurs vont apprendre que parfois et bien malgré soi, on est obligé de grandir plus vite qu’on ne le souhaiterait…

Avec ce récit d’une brutalité saisissante, Jeff Lemire, nous emmène dans un univers vertigineux où un homme blessé garde en lui de profonds secrets et cicatrices. Tout au long des chapitres, d’infimes fragments du vécu du chef de famille nous sont dévoilés. Il est tiraillé entre sa femme et son frère. Mais bien au-delà de toutes ces dissimulations, il y a aussi une planète qui commence à dévoiler sa face cachée. L’auteur, comme à son habitude, m’a captivée par un scénario efficace, qui mêle subtilement relation de vie et science-fiction. Le coup de patte graphique de Jock est abrasif et piquant. On est cerné par les giboulées polaires qui traversent tout l’album. Le bleu et le noir prédominent, mais notre scottish man a agrémenté certaines planches de couleurs chaudes, ce qui donne à ce comics un éclat incandescent qui n’est pas désagréable au vu de la fraîcheur qui nous englobe à sa lecture…

Si le printemps et sa douceur tardent à nous parvenir, c’est peut-être bien pour que nous ne soyons pas dépaysés lors de cette lecture mordante qui nous fait frissonner de la première page à la dernière. Il est temps de vous équiper, une fois lancé vous ne pourrez plus vous arrêter. Snow is back !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Urban Comics, 2024.

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