Il y a quelques années, le 26 novembre 2020 exactement, j’étais venue à vous pour vous parler d’une certaine Heidi mise en image par Kalonji. La demoiselle avait bien grandi et de retour chez son grand-père, elle s’était pris une horde de zombies dans la face. Aujourd’hui, je reviens avec ma copine et cette fois elle se débat avec des vampires… Vous aimeriez bien hein ? mais non. Elmax et Ploy, tous deux la vingtaine, se sont rencontrés sur les bancs de l’Ecole supérieure de la bande dessinée et d’illustration de Genève, dont ils sont sortis diplômés. Ils publient à quatre mains aux éditions La joie de Lire leur toute première bande dessinée Heidi. Ce recueil est composé d’une histoire que chacun a imaginé autour de l’héroïne nationale Suisse.
Pour Elmax, la petiote, devenue une jeune adulte, vient de se faire plaquer en beauté. A la rue, elle s’en retourne chez son papi. On ne peut pas dire que le bonhomme soit très heureux de la revoir. Pour lui c’est clair, va falloir qu’elle bosse si elle veut s’incruster en sa demeure. La nénette au caractère gratiné, n’est pas très chaude pour se lever à l’aube afin de traire les chèvres et nettoyer l’enclos. Lors d’une de ses escapades au village pour aller faire quelques courses et s’approvisionner en clopes, elle se fait héler par Peter. La donzelle l’accueille plutôt froidement, y’a pas à dire, elle a vraiment un tempérament hargneux. Devenu citadin pour les études, le coquin est revenu à Maienfeld pour s’y faire un peu de blé. Les deux comparses vont passer un peu de temps sur l’alpage et comme ils ont bien grandi, ces quelques jours ne ressemblent plus à leurs jeux d’enfants…
Ploy, nous propose une Heidi grand-mère. Sa petite fille Charlie vient lui rendre visite dans « le bled ». La Mamie n’est pas en méga forme. La gamine retrouve son aïeule rabougrie, mais qui dispose encore d’une bonne énergie. Les conditions ont changé. La mémé est décrite comme une sorcière et elle a reçu des menaces de mort. L’adolescente prend les intimidations au sérieux et s’en va farfouiner dans la région, espérant débusquer l’auteur des mots clouées sur la porte du petit ermitage. Très vite elle comprend que la bonne femme n’a pas que des amis dans le patelin. Pourtant, après d’interminables discussions avec le voisinage, il en ressort que la vieille dame est jugée par des personnes qui ne la connaissent pas vraiment. Son humeur acariâtre et les batailles menées contre les chantiers qui abîment le paysage, ont fait d’elle une « persona non grata » !
Le duo a composé cet album d’illustrations en noir et blanc, ce qui lui donne un air joliment « retro ». Cela tombe bien, Johanna Spyri a publié les deux premiers romans du personnage mythique, entre 1880 et 1881. Leur style est diamétralement différent. Dans les traits d’Elmax, j’ai distingué une similarité avec l’artiste que j’apprécie énormément, Peggy Adam. Ce n’est de loin pas une critique, mais tout comme chez l’autrice, les individus sont renfrognés et ses paysages authentiques et soignés. Ploy, utilise la gravure et de l’encre de chine. Les panoramas ont un côté flou, comme s’ils avaient été élaborés au fusain, alors que les humains, le plus souvent, sont construits avec une ligne plus nette et simple. Le mélange est harmonieux et un tantinet naïf.
Si cet été vous n’avez pas encore de destination pour vos vacances, pourquoi ne pas venir vous ressourcer dans les Grisons et plus précisément dans la vallée de Maienfeld. Avec un peu de chance vous y croiserez les fantômes de Peter et Heidi, ou tout du moins un habitant portant l’un de ces charmants prénoms…
Chronique de Nathalie Bétrix

© Éditions La joie de Lire, 2024.