J’ai une pépite de douceur et de rêverie à vous partager ! Un vrai coup de cœur pour une très belle BD tout public, intitulée la gardienne des papillons. Elle est parfaite en ce mois de mars, mois du printemps et des droits des femmes. La talentueuse auteurice Kay O’Neill met en avant une héroïne qui nous fait penser à celles de Myasaki : Anya est une jeune fille forte, indépendante, qui veut faire sa part dans son clan, en protégeant les lépidoptères essentiels à leur survie. L’univers désertique, inspiré de certains éléments de Nouvelle-Zélande, est fantastique, peuplé d’humains aux oreilles d’animaux – il faut dire que la transmission orale y tient une part importante, les contes prenant naturellement leur place dans l’histoire. Il y a ceux qui vivent le jour, profitant des bienfaits du soleil et s’en protégeant, et ceux qui vivent dans la fraîcheur de la nuit, sous la douce lumière de la lune et des lampions. L’équilibre est fragile,la coopération essentielle. Les dessins, sensibles, jouent à merveille sur l’harmonie entre couleurs froides et chaudes ; le format généreux de 263 pages laisse une belle place à l’immersion et la contemplation. Laissez-vous porter par l’énergie d’Anya, par son questionnement dans cette quête initiatique apaisante et inspirante, accessible dès 8 ans, beau cadeau de Bliss éditions.
L’histoire démarre par un rite conté et bienveillant, qui fait d’Anya, jeune fille blonde aux oreilles de fennec, la nouvelle gardienne des papillons. Ceux-ci sont un cadeau de l’esprit lune à ceux qui ont renoncé au jour pour lui tenir compagnie. Luminescents, ces petits êtres ont besoin d’être conduits dans la nuit, et surtout ramenés au frais dans leur tente avant le lever du soleil. La protagoniste ressent de l’envie, mêlée à une certaine appréhension. Elle prend son poste avec beaucoup de sérieux, aux côtés de son prédécesseur puis en assumant seule sa tâche. Celle-ci est longue et fatigante, la solitude se fait aussi sentir. Mais la gardienne se veut rassurante et protectrice pour ses proches qui s’inquiètent. N’a-t-elle pas toujours protégé son amie Estell, comme elle un peu différente et solitaire ? Le village du jour est attirant, la curiosité prend le dessus, mais ensuite Anya s’endort et perd les précieux insectes. Réussira-t-elle à les
retrouver avant la fin de la floraison de l’arbre sacré ? Grâce à de très belles paroles d’Estell, elle se rend compte qu’elle n’a pas à porter seule le poids de sa responsabilité, et trouvera également dans la nature des alliés précieux. Ce scénario non violent nous propose une parenthèse sereine mais aussi philosophique, propice à l’introspection, ou alors tout simplement à s’offrir une gourmandise littéraire et graphique.
S’il a un adorable côté manga, des yeux grandis aux attributs fauniques, le style de K. O’Neil lui est bien propre. Personnages et plantes sont dessinés avec délicatesse, d’un fin trait crayonné, ou réalisé à la pastel pour les contes. J’ai beaucoup apprécié les jolies plages de couleurs, choisies avec soin. Le ton orangé du désert constitue un fil rouge présent à chaque page, à petites touches ; les levers et couchers de soleil sont mis en valeur par de subtils dégradés. Les bleus profonds résonnent avec les éléments bioluminescents et lampions, qui contribuent à cette ambiance si unique et poétique. Le découpage, diagonal, a quelque chose d’organique. Les contes prennent place de façon plus libre encore, y compris dans leur colorisation charbonnée, soulignant leur forme éthérée. Le rythme est tranquille, dans cette balade peuplée d’éléments naturels, de scintillements d’étoiles et de notes de musique, même lorsque l’urgence s’installe : elle est traitée avec patience et méthode. Suivez l’être de lumière aux volutes magiques, pour une dernière partie aussi magique que lumineuse !
La gardienne des papillons est une magnifique fable écologique, appelant à une symbiose entre les humains, et à protéger celles qui existent entre les espèces. Il s’agit de prendre le temps, celui de l’apprentissage comme celui de la vie. Elle évoque aussi les thèmes de l’appartenance à un peuple, de la solidarité, de la différence, et offre une part de féminité universelle, consistant à prendre soin des autres mais aussi à s’écouter et savoir demander de l’aide.
Chronique de Mélanie Huguet- Friedel.


© Bliss Éditions, 2023.