LES AMIS DE SPIROU T1: Un ami de Spirou est franc et droit

1943. Le journal de Spirou est censuré. Mais un ami de Spirou ne se laisse jamais abattre ! Alors que dire de 6 amis de Spirou ? Pour eux, c’est évident, il faut résister. La bande-dessinée Les amis de Spirou n’est pas qu’un magnifique hommage au personnage et au magazine du même nom. C’est aussi un ouvrage sensible, d’après une histoire vraie, à la mémoire des jeunes, « trop courageux pour capituler, trop jeunes pour mourir ». Une talentueuse équipe, composée de Jean-David JD Morvan (scénario), David Evrard (dessin), Ben Bk (dessin & couleurs) et Raphaël Ribeiro (lettrage), a trouvé le bon ton et le bon style : de l’action, de l’amitié, de l’humour et de belles valeurs, dans la droite ligne de notre héros ; une bande d’enfants espiègles et solidaires, et deux anciens qui se souviennent d’eux à la fin de la guerre, entre culpabilité et fierté. L’un d’eux n’est autre que Jean Doisy, rédacteur en chef du journal de Spirou à sa création. Cette belle édition est évidemment parue chez Dupuis créateur de la publication jeunesse en 1937. Elle est enrichie d’intéressantes pages documentaires, et d’un poster détaillant le code d’honneur des ADS en cases humoristiques. Un album aussi coloré, rythmé, que pédagogique, accessible dès 10 ans : déjà un classique !

Un ami de Spirou est franc est droit, il a du cran, il aime la discipline libre et joyeuse. Toujours de bonne humeur, il est l’ami de tous, mais surtout des faibles… Il s’engage aussi à ne dévoiler à personne la clef du code. En écrivant le code d’honneur des amis de Spirou, Jean Doisy ne se doute pas que les enfants, qui sont nombreux à adopter ces règles, seront plongés au cœur d’une sale guerre. Et que certains seront fidèle jusqu’au bout à chaque ligne écrite. Miche, Georges, Pierrot, Paulo, Armand et Flup ont la trempe de héros en culotte courte. Ils forment un groupe soudé, n’hésitant pas à aider un enfant juif à se cacher ou à distribuer des tracts sous le nez de l’occupant. Ils ne manquent pas d’idée et d’astuces. Leur repaire secret est digne des meilleurs réseaux. Il faut également saluer leur ingéniosité dans l’utilisation de véhicules divers, de la remorque à vélo au ballon dirigeable, qui leur donne un tour d’avance. Et lorsqu’ils croisent les jeunes formés aux jeunesses hitlériennes, c’est évidemment la bataille! Mais qu’est-ce qui fait tant culpabiliser Jean Doisy, alias le fureteur ? Il faudra attendre le tome 2 pour en savoir plus !

Ici, Spirou ressuscite et se métamorphose sous les traits de Miche, jeune juive aux longs cheveux roux flamboyants, adoptée par M. Salvador, domestique d’hôtel. Joli clin d’œil permettant de lui faire porter le célèbre pantalon rouge à bord noir. Au-delà du rappel du costume de groom, Miche est, comme notre héros préféré, pleine de vigueur et de ténacité. Elle n’hésite pas à se jeter dans l’aventure, et même dans la bagarre, tout en restant loyale et juste ! C’est à dire en mettant un bon coup de pied là où ça fait bien mal à la jeunesse facho. Et il faut le dire, les scènes de castagne sont un délicieux joyeux bazar, empli d’étoiles, de tourbillons, d’œils au beurre noir, de bosses au front, de garçons dans le décor ! De quoi donner de beaux sourires à notre joyeux club. L’équipe graphique joue sur tous les fronts pour que le lecteur ne fasse qu’une bouchée de sa lecture – et s’en régale. Plans variés, tout comme le format des vignettes, pour saisir l’instant, retrouver le calme, et repartir à cent à l’heure. Les jeunes sont dans la lumière et la couleur, les nazis dans l’ombre, et une trame bleuté accompagne les anciens dans leur peine. Le collabo a des airs de Gargamel, et c’est le père Laloy qui nous rappelle que les beaux préceptes, face à des ennemis tellement amoraux, c’est terriblement dangereux.

Je suis complètement subjective, car le personnage à toque rouge est un de mes préférés, et les Spirous sont les premières BD que j’ai souhaité posséder. Il n’empêche, cet album est un petit bijou. C’est une belle réinterprétation de l’univers Spirou, et des BD de l’époque avec leurs gags et leur malice. Et c’est aussi un récit engagé, qui a toute sa place dans le contexte actuel. Cette semaine, la journée internationale contre l’utilisation des enfants soldats nous rappelle que nous sommes encore très loin d’appliquer la convention internationale des droits de l’enfant. Et parce que les enfants sont pleins de vie, innocents et radieux, c’est en les suivants dans leurs plus belles et nobles actions qu’on en prend pleinement conscience – et qu’on leur permet de s’épanouir et de grandir.

Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.

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© Éditions Dupuis, 2023.

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