Forcément, on est tous d’accord, se découvrir un cancer du sein ne doit pas être le meilleur moment de la journée… alors on imagine aisément qu’en faire le sujet d’une bande dessinée humoristique pourrait même susciter un certain scepticisme…
C’est le pari un brin risqué qu’a fait Evemarie avec La boulonichon. Pari gagné, lecture chaudement recommandée !
Un petit format carré, estampillé Expé éditions, des planches de quatre vignettes ou d’une seule grande case, 120 pages qui se lisent vite comme une suite d’historiettes retraçant le parcours de Clémentine, quadragénaire sympathique qui se découvre, un matin en se savonnant, une « boulonichon ».
Au détour de ses saynètes, Evemarie pointe avec efficacité le parcours médical et émotionnel de Clémentine. Pas de langue de bois et surtout l’humour érigé en bouclier.
Il y a son compagnon, calme olympien apparent mais qui lui colle des étiquettes « Fragile » partout ; sa mère, présence rassurante et soutien inconditionnel ; sa copine, tacle complice efficace pour se dire qu’on s’aime sans se dire qu’on s’aime ; le copain gentil en mode « ma pauvre… » à qui t’as envie de faire bouffer son kleenex ; le personnel médical, du grognon franchement désagréable à l’équipe fantastique, douce et bienveillante, qui met à l’aise dans ces moments où clairement on ne l’est pas… Les inconnu(e)s aussi, croisé(e)s au détour des couloirs d’hôpitaux et des salles d’attente, leurs paroles empathiques et leurs sourires rassurants…
Il y est aussi question de finance, de coût d’opération, de dépassements d’honoraires, d’entre-soi des spécialistes, de jargon médical pour patient néophyte, de pourcentage de récidive et aussi d’espoir.
Le regard porté par l’autrice et dessinatrice est réaliste, avec le choix d’en rire ou au moins d’en sourire. Que l’humour de Clémentine te convienne ou pas, La boulonichon éclaire avec véracité ce sujet difficile qu’est la découverte d’un cancer du sein et toutes ses suites. Le parti pris ici : quand ta poitrine devient zone de soin, il vaut mieux mettre ta pudeur en stand-by et enclencher le réflexe d’auto-dérision. Quand tu te retrouves le sein tuméfié et extrêmement sensible après une ponction, tu peux en pleurer… ou te prendre pour un Avatar ! Façon personnelle d’affronter la difficulté, armure d’humour blindée… La scène de la mammographie, franchement drôle, parlera à toutes celles qui y sont déjà passées… et que dire de la glamourous touch du soutien-gorge post-opératoire !
Le dessin va à l’essentiel sans fioritures, les couleurs sont en à-plat avec juste ce qu’il faut d’ombrages pour donner vie aux personnages, les décors minimalistes ; s’en dégage la sensation étrange d’être avec une copine… que Clémentine, c’est la voisine, la boulangère, une cousine…ou toi…
Ici, on te le dit dès le début, ça finit bien ! Pas d’appréhension de perdre Clémentine… mais tout au long de la lecture, en filigrane, l’idée que ça aurait pu être le cas. J’en profite pour recoller une couche de prévention : on a cette chance dans cette partie du monde de pouvoir être dépistée, alors on ne fait pas sa mijaurée et on y va !
PS : et oui, je ne t’avais pas dit, si tu achètes un exemplaire de cette très bonne bande dessinée, un euro est reversé à l’association de lutte contre le cancer du sein LiSa.
Chronique de Louna Angèle.

© Expé éditions, 2023.