Après son très convaincant Mortel imprévu, Dominique Monféry continue son incursion dans le domaine de la BD chez Rue de sèvres avec l’adaptation d’un roman qu’il connaît parfaitement La neige en deuil d’Henry Troyat, un récit dont la force le marqua profondément.
L’auteur qui provient du dessin animé a compulsé ce livre pour la première fois lorsqu’il avait 15 ans, il le relit régulièrement. Sa transposition fut assez naturelle voire évidente.
C’est l’histoire de deux frères qui résident ensemble dans un petit hameau. Une génération les sépare. Le premier était alpiniste mais à la suite d’une mauvaise expérience en montagne, il est revenu diminué, psychologiquement affaibli. Depuis son retour, il prend soin de son frangin, un garçon plus arriviste. Moins traditionnaliste que son ainé, Marcellin a d’autres projets, d’autres ambitions. Lorsqu’un avion s’écrase dans la vallée avec à son bord une fortune, il perçoit immédiatement le profit dont il pourrait tirer de l’affaire et il parvient à embarquer dans l’aventure Isaïe qui le suit un peu naïvement. La montagne est imprévisible et l’expédition périlleuse. Leur relation résistera t’elle aux difficultés ?
L’artiste qui aime les grands espaces et qui est un grand amateur d’Hermann s’est magistralement emparé de ce drame humain, une fiction inspirée d’un fait réel qui ne souffre pas du temps passé et qui reste impitoyable et captivant.
Il a supprimé les lourdeurs au profit de choix judicieux qui servent l’intrigue. Il transforme l’ouvrage en un thriller psychologique palpitant qui se dévore à toute vitesse. Les ellipses sont pertinentes et la mise en scène impeccable. Le conflit générationnel est finement orchestré et les profils des personnages méticuleusement établis. Il y a d’un côté un bonhomme déconnecté, reclus aux valeurs fortes et de l’autre un homme plus exubérant et prêt à tout pour s’extraire de son milieu.
Le découpage est très astucieux et le dessin traditionnel semi-réaliste de Dominique Monféry ainsi que ses couleurs numériques sont un ravissement.
La version bd apporte une plus-value nette consécutive à des décors époustouflants, des cadrages immersifs et une maitrise de la narration indéniable, un exercice d’autant plus impressionnant que le bédéiste a adopté le parti pris de conserver le texte original.
La neige en deuil est finalement une belle réussite et un divertissement de très haute volée.
Chronique de Stéphane Berducat


© Rue de Sèvres, 2023.