Les devins et autres légendes content couramment l’arrivée d’un élu capable de rétablir l’équilibre lorsque des forces obscures sont à l’œuvre. Vanish aux éditions Urban Comics est la nouvelle prophétie imaginée par Donny Cates, Ryan Stegman, J.P. Mayer et Sonia Oback. Mais une fois que ce saint et vénérable martyr a envoyé son ennemi juré ad patres vite fait bien fait, que se passe-t’il vraiment ? La suite de la prédiction n’augure rien de bon, la situation s’envenime voire part en vrille.
Durant son adolescence, Oliver a été le sauveur d’Everkeep. L’outre-monde de la sorcellerie allait être quasiment asservi par le délétère Vanish et de ses adeptes. Enfreignant les règles, le garçon se servit d’une arme des «communs» pour vaincre son adversaire car nulle puissance surnaturelle n’atteignait le mage noir. Oliver comprit qu’une balle de revolver en plein milieu du front restait l’option la plus adéquate, le problème fut réglé manu militari. En contrepartie, le jeune-homme a été banni dans notre réalité.
Arrivé à l’âge adulte, c’est la dégringolade. Oliver mène une existence de merde. Il est fauché, carbure à l’alcool et aux substituts d’opiacés afin de surmonter les aléas d’une vie minable. Un soir lors d’un entre-deux packs, Oliver est assailli et sauvé d’une agression in extremis par le super-héros Battle Rocket. Le sceau cabalistique qu’il porte à la poitrine le brûle, cette marque lui servait jadis à détecter les énergiques maléfiques. Oliver réalise instantanément que les fidèles de Vanish sont de retour et exilés sur terre sous l’apparence d’individus costumés.
Déterminé et enragé comme un pitbull, il rempile cape et incantations pour pourchasser ses mécréants et commettre un carnage. Les déglinguer les uns après les autres pour siphonner leur énergie vitale devient son unique motivation. Oliver s’en balance complètement des conseils avisés de sa femme et de son meilleur ami, sa haine et soif de vengeance virent à la toxicomanie. A chacun sa came, nique la magie !
Pour son nouveau creator owned, Donny Cates puise l’inspiration en mêlant la littérature à la pop-culture. Il ouvre les portes de l’école des sorciers au lance-roquettes. Le récit est violent, nihiliste, cynique et s’accompagne d’un ton irrévérencieux à la manière de The Boys. L’histoire fracasse les codes et les stéréotypes, elle ne fait pas dans la demi-mesure. L’action déferle tambour battant.
Comme Ed Brubaker, l’auteur a fréquenté les milieux interlopes. Son héros n’est pas particulièrement sympathique néanmoins au fil des épisodes, il devient un tant soit peu attachant. Le scénariste combat puis nourrit ses démons intérieurs en projetant ses anciennes addictions et névroses au travers de son protagoniste principal. Ce qui a pour effet de lui donner du relief ainsi que de la
consistance. Il n’est ni bon ni mauvais, seulement nuancé et en proie aux tourments. Donny Cates est un sale gosse qui revient de loin, ce qui lui permet de porter à maturité des projets personnels tels que Crossover, The Paybacks et j’en passe…
Ryan Stegman, J.P. Mayer et Sonia Oback signent une composition illustrative bouillonnante et animée. Les crayons se taillent avec les dents, ils produisent un dessin possédé. La mine de graphite gratte le papier en y déposant un trait fougueux voire furieux. L’artiste a la patate, il la retranscrit dans sa représentation graphique et psychologique de personnages qui sont habités par des lignes fortes. Les décors sont soignés et détaillés. Les cases s’enchainent à la vitesse de la lumière, le découpage est une merveille d’efficacité. L’encrage de J.P. Mayer virevolte sur le séquençage, l’encre de chine s’emporte pour donner l’impression d’exploser les planches. Le tramage sombre s’agence implacablement dans le but d’imposer une atmosphère terriblement dark. Sonia Oback applique une colorisation survoltée, les tons enflammés galvanisent la rétine. La palette de pigmentations employée est aussi vive que chauffée à blanc, les teintes sont réellement électrisantes. Au final, la mise en page est juste monstrueuse. Elle s’exécute à la perfection et déborde d’imagination.
Ami(e) lecteur ou lectrice, pour la modique somme de 10€, il serait dommage de passer à côté de cette série fiévreusement jouissive. « Vanish » aux éditions Urban Comics est un comic-book ensorcelant mais qui tache.
Chronique de vincent Lapalus


© Urban Comics, 2023.