Les contes du Givre

Il était une fois « Les contes du givre », formidable trilogie écrite et dessinée par Josselin Billard, évoluant dans le monde d’Hinim, « terre de Dieux, de créatures et de légendes », éditée par Komics Initiative.

Dans le premier tome, après la présentation d’un premier mythe fondateur de cet univers, nous faisons connaissance avec la baba Mola, taupe souffrant de cécité, Autour de cette dernière, au fin fond d’une grotte, sont réunis des enfants issus de différentes tribus vivant sur Hinim. Ils présentent des traits anthropomorphiques.

La baba leur conte différents récits, en commençant toujours par le fameux « Il était une fois… ». Ces histoires sont l’occasion de présenter Hinim, ses dieux créateurs, son Histoire.

Les informations sur cet univers fantastique nous sont livrées au compte-goutte, le lecteur les découvre en même temps que les enfants qui « n’ont pas connaissance du monde extérieur ». Pour des raisons qui nous sont inconnues, ils sont obligés de se cacher dans les entrailles d’Hinim. Les contes ont pour but de les préparer justement à découvrir cet univers mystérieux et potentiellement hostile.

L’auteur s’inspire de l’Edda poétique (ensemble de poèmes mythologiques rassemblés dans un manuscrit islandais du XIII siècle), du Kalevala (considéré comme l’épopée finlandaise), et de l’univers Lovecraftien. Il se réapproprie des contes connus pour en faire quelque chose de nouveau et de très personnel. La baba Mola n’est pas sans rappeler la baba yaga des contes slaves. Josselin Billard aborde de nombreux thèmes tels que l’amour, le deuil, le pouvoir, et bien d’autres. Ces contes philosophiques, jamais moralisant ni sentencieux, sont une invitation à la méditation.

A la fin de chaque récit, nous retrouvons le petit groupe d’enfants réunis autour de leur conteuse. Ce moment est l’occasion pour cette dernière d’expliciter l’histoire, de vérifier que son auditoire a compris le(s) message(s) véhiculé(s).

Une grande douceur se dégage des histoires malgré la dureté de certaines. Elles sont parfois très courtes mais peuvent aussi contenir une dizaine de pages.  Les mots sont toujours finement choisis.

Mais la grande originalité de l’œuvre réside dans le fait que l’artiste alterne des styles graphiques et des techniques différentes. Pour certaines, il ne cache pas l’influence de grands dessinateurs américains tels de Franck Miller, Jack Kirby ou Mike Mignola. Mais le créateur de cet univers de fantasy a su digérer ses nombreuses lectures et forger un style unique. Il s’est aussi inspiré des jeux vidéo et des mangas.

Cette diversité graphique ne nuit pas à la lecture, bien au contraire. Josselin Billard semble à l’aise dans tout ce qu’il entreprend, les illustrations sont magnifiques, les couleurs splendides, lumineuses ou au contraire très sombres. Les dessins sont minimalistes, épurés dans un conte puis détaillés dans le suivant. Le trait est toujours élégant.

 Il n’hésite pas à expérimenter, jouer avec les codes pour donner un résultat très intéressant, parfois surprenant.  L’artiste maîtrise à merveille la narration, nous faisant plonger dans l’histoire et abandonner toute velléité d’en sortir.

Les contes sont visuellement séparés par des séquences où les bambins sont réunis autour de la conteuse. Seuls ces moments conservent la même identité graphique.

Une deuxième lecture, voire plus, selon votre envie, est nécessaire pour relever des indications sur l’univers, pour saisir les liens qui existent entre tous les contes et les personnages. Car, tout élément a un sens, à l’image des nombreux symboles dessinés sur les quatrièmes de couverture, dans les pages « bonus », notamment celles présentant la généalogie des divinités, cette dernière s’étoffant au fur et à mesure des trois tomes. Un indice se trouve aussi sur le somptueux coffret qui regroupe les trois volumes (intitulés respectivement  Les Contes du Givre , Ode Matéria  et Kha orchestra.

Et ne boudons pas de multiples relectures uniquement pour le plaisir des yeux. Nous ne nous lassons pas d’admirer les sublimes planches.

Les bonus sont nombreux en fin de volume. Les postfaces rédigées par l’artiste sont passionnantes et éclairantes, particulièrement sur sa démarche créatrice.

Enfin, soulignons l’importance des soins apportés à la finition de chaque ouvrage (les détails, la typographie, les symboles, la reliure).

C’est un livre qui se dévore idéalement à deux pas  de la cheminée ou à défaut, du radiateur, en cette période automnale.

Chronique de Gédéon Groidanmamaison.

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