The unnamed JUNKYARD JOE

1972, Viêt Nam. L’Amérique s’enlise dans une guerre qui divise, Nixon risque de déclarer forfait face à Van Thieu. Des péquins sont mobilisés et envoyés en masse pour crever sans trop savoir pourquoi. «Gadoue», «Pansement», «La Verdure», «Gros Jack», «La Chèvre», « L’Allumette», «Sergent» et un bleu-bite forment une unité de têtes brûlées. Leur objectif consiste à débusquer et éliminer l’ennemi Viêt-Cong  dissimulé au cœur des villages. Leur dernière opération tourne au fiasco, quasiment l’intégralité de la troupe y passe. Il ne restera qu’un unique survivant. Le miraculé gagnera son billet retour pour le pays. Le rapport de mission JUNKYARD JOE est rédigé par les officiers Geoff Johns, Gary Frank et Brad Anderson pour le haut commandement des éditions Urban Comics.

Début du vingt-et-unième siècle, Morrie «Gadoue» Davis est un vétéran. Depuis sa démobilisation, il s’est installé à Melody Hills. Cela fait 50 ans que Morrie s’exerce à exorciser son syndrome post-traumatique à l’aide de son comic strip Joe la ferraille. Sa création est très populaire mais il est temps pour lui de prendre une retraite bien méritée. Depuis la disparition de sa femme Rita, Davis a une baisse de régime. L’inspiration et le bon goût du gag se sont évaporés alors autant arrêter pour finir en beauté.

Pourtant, le célèbre soldat mécanisé dont il anime les aventures vient toquer à sa porte par une belle soirée enneigée. «Gadoue» ne serait pas aussi aliéné que ce que lui ont diagnostiqué les médecins depuis cinq décennies. Le problème étant que Joe traine dans son sillage une équipe de nettoyeurs. Cette organisation ne laisse aucune trace sur son passage et recherche activement le robot échappé du projet top secret Béta.

Finalement, la fiction dépasse la réalité. Le cadre paisible et familial de la petite ville de l’Indiana risque de virer à la confusion totale voire au désordre général.

Après le père de famille radioactif venu du futur qui affole les compteurs Geiger, Geoff Johns récidive avec une nouvelle création basée sur l’univers de ses fameux Sans-Nom. Dans JUNKYARD JOE, il programme un automate tueur à la recherche de son créateur. Le récit démarre posément pour ensuite, enchainer les péripéties à vive allure. Le scénariste s’inspire de faits historiques auxquels il ajoute un personnage soi-disant imaginaire interagissant avec d’autres biens réels. L’auteur en profite pour passer au mixeur des fameuses lois de la robotique imaginées par Isaac Asimov. D’un côté, il y a un individu en crise et de l’autre, une machine souffrant de culpabilité cherchant à savoir ce pour quoi elle a été conçue. La puissance de l’intrigue réside dans le fait de démontrer qui est le plus compatissant, l’homme ou la machine ? Au travers de ses séries, Geoff Johns donne vie à des êtres extraordinaires, fantastiques confrontés à des menaces surréalistes.

Gary Frank et Brad Anderson se chargent de la partie artistique avec une facilité déconcertante, leur mise en page est clean jusqu’au bout de la mine. Le dessin est net et intelligible, le crayonné caresse le papier avec grâce. Les lignes se déploient avec acuité et professionnalisme à l’aide d’un sens inné pour saisir l’insaisissable. Le travail sur les regards énonce nettement l’état affectif et l’intensité se dégageant des différents protagonistes. Les décors sont choyés et pointilleux pour accroître une narration déjà généreuse. L’étape du  passage au noir est raffinée, le style est soigné. Chaque trait baigné dans l’encre de chine a une raison valable d’apparaître sur les planches, c’est impeccable. Brad Anderson bonifie un séquençage exceptionnel par l’utilisation de nuances rigoureuses et minutieuses. Les couleurs s’appliquent avec précision, voilà l’exemple parfait d’une hégémonie remarquable. Nos deux illustrateurs sont guidés par des choix graphiques judicieux.

The Unnamed JUNKYARD JOE aux éditions Urban Comics est une ode lyrique qui prêche un humanisme qu’il soit organique ou synthétique au moyen d’une partition imagée édifiante et salutaire.

© Urban Comics, 2023.

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