Plein ciel

Il y a des quartiers où il fait bon vivre. Des voisins que nous prenons plaisir à fréquenter et parfois nous accomplissons une action qui abîme cette harmonie. Plein ciel aux éditions Ankama est la première bande dessinée illustrée par Michaël Crosa. Pierre-Roland Saint-Dizier est un scénariste qui a œuvré à de nombreuses séries, pour la plupart historiques. Cette création partagée est attirante et surprenante.

Qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête d’Emile pour qu’un beau jour il décide de prendre son envol par-dessus la rampe du balcon ? Vous allez sûrement me dire que je suis un peu vache de vous faire déballer vos mouchoirs au bout d’une phrase seulement. Soyez rassurés, je ne pense nullement m’arrêter là. Pour les habitants de l’immeuble, son acte est tout bonnement invraisemblable.  Chacun donne son avis, dans un premier temps pour se rassurer, mais aussi pour comprendre cette tragédie. Le bonhomme s’en est allé sans explication et n’a laissé qu’une lettre avec quelques instructions. Pour son amie Martine, une plante verte et pour les Vallère son chat.

Au fil du temps, des révélations et explications vont émerger. Emile est parti tout juste deux ans après le décès de sa femme et un appartement est en vente depuis des semaines dans le bâtiment. Serait-ce le sien ? Peu après l’enterrement, le logement est expressément vidé par les héritiers et reloué dans la foulée par deux mecs. Cette information fait jaser. Quand les nouveaux arrivants emménagent il pleut averse et l’ascenseur est en panne. Dix-sept étages les séparent du nouveau foyer, heureusement ils vont-être aidés par toutes les personnes qu’ils croisent dans la cage d’escalier. Rien de mieux pour faire de nouvelles rencontres et finir la journée autour d’une bonne bière pour se présenter. C’est marrant, là tout de suite je sens que vous vous demandez à quel moment il va vous falloir ressortir les kleenex et à moi de vous répondre qu’il est bien possible que j’ai lâché l’affaire. Le duo est composé de Mickaël, architecte et Loïc, qui n’est autre que le petit fils du vieil homme. Ils sont venus dans l’agglomération parce que le premier a été engagé par la ville pour une restructuration du périmètre. Le deuxième en a profité pour venir y chercher des souvenirs qu’il a avec son grand-père. Tout ce petit monde va se côtoyer plusieurs mois, se soutenir et surtout découvrir que la vie de nos parents, amis ou connaissances, peut en cacher une autre.

J’ai toujours rêvé d’être une mouche pour pouvoir me glisser dans les maisons que je croise et voler d’une pièce à l’autre pour y admirer l’architecture, l’aménagement et la décoration. Quand j’ai découvert cet album, j’ai tout de suite été attirée par sa couverture. Il y figure une découpe de l’habitation où l’on voit les locataires vaquer à leurs occupations.  Michaël Crosa a un dessin doux, coloré et d’emblée, on s’attache aux caractéristiques de tous ses personnages tant ils sont expressifs. L’histoire de Pierre-Roland Saint-Dizier peut sembler facile, un peu simplette, pourtant on se laisse très vite happés par l’intrigue. Je tiens toutefois à émettre un regret au sujet de la fin de l’album. Quand le dénouement approche et que je me suis trouvée à l’avant dernière page, j’ai cru, oui j’ai vraiment cru, que l’auteur avait osé l’impensable. Je me suis dit alors « diantre, il est sacrément audacieux », mais à y réfléchir, pouvait-il vraiment se permettre la fin dont j’avais rêvé ?

Si avec tout ça j’ai réussi à éveiller votre curiosité, j’en suis fort aise et même si j’ai certes des idées un peu singulières qui à coup sûr vous auraient fait sortir « ce » petit carré de tissu blanc, lisez Plein ciel, c’est une bien belle BD dont la narration est attrayante et d’où l’on ressort charmés !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Éditions Ankama, 2023.

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