La Grèce antique, au mont Olympe. Zeus fait régner la suprématie masculine parmi les siens. Les dieux sont hautains, suffisants et surtout misogynes. Le one-shot Wonder Woman Historia de Kelly Sue DeConnick, Phil Jimenez, Gene Ha, Nicola Scott, Alex Sinclair, Hi-Fi, Arif Prianto, Romuldo Fajardo Jr., Wesley Wong et Annette Kwok rétablit l’équilibre et conte la genèse des fières Amazones. Attention, ça risque de piquer !
Depuis l’aube des temps, il prône un sentiment de mépris et d’hostilité à l’égard des femmes. Elles subissent la dégradation, l’esclavage, l’exclusion, l’impudence, l’isolement, l’effacement, l’humiliation, la soumission, l’agression et le meurtre. La situation touche aussi bien les démiurges que les humains, mais certaines divinités féminines ne l’entendent pas de cette oreille…
Hestia, Artémis, Déméter, Hécate, Aphrodite, Athéna et Héra s’allient et offrent aux habitantes de la Terre, la force, le courage et la détermination nécessaires pour renverser le régime patriarcal que Zeus a instauré. Des guerrières belles et sans pitié apparaissent sur les îles des mers Égée et Ionienne. Elles frappent dans l’obscurité pour délivrer leurs semblables des abus intempestifs causés par les hommes afin de créer une tribu autonome et indépendante.
Lorsque le seigneur de la foudre a vent de cette mutinerie, il choisit d’envoyer son fils Héraclès pour régler cette «peccadille». Il s’en suivra un carnage qui provoquera un schisme céleste. Depuis le début des hostilités, une combattante nommée Hippolyte se distingue de ses congénères. Se pourrait-il qu’elle soit l’élue ayant le pouvoir d’agir et d’unifier les différents clans ? La guerre n’est ni pure, ni propre. Alors mieux vaut-il mourir libre et uni pour ses convictions que de vivre enchainé à un rocher sous la garde d’Apollon ?
Kelly Sue DeConnick aborde un sujet archaïque toujours d’actualité touchant également le monde de l’édition, elle célèbre l’égalité des genres. L’auteure fait partie d’une longue lignée de créateurs nourris à la culture comics et gonflés par l’amour du médium. Sa production est le parfait exemple puisque que miss Kelly a animé les Avengers, Spider-Man, Captain Marvel ou encore Arthur Curry : Aquaman. C’est une scénariste talentueuse et ingénieuse. Concernant l’élaboration de son script, tout est question de point de vue et de sensibilité. Avec Wonder Woman : Historia, elle possède un large casting à sa disposition. Ce qui lui permet d’imaginer une histoire épique d’héroïnes à poigne baignant dans une ambiance déchaînée fourmillant d’interactions, la conteuse revient à l’essence du personnage et pose sa pierre à l’édifice de la série. L’intrigue est intelligente, les directives sont claires. Elle baigne dans une atmosphère mythologique et mystique. Kelly Sue DeConnick attache une grande importance aux dialogues, son écriture passionnelle et pop s’intéresse au comportement sociétal pour pousser à la réflexion, bousculer voire changer les mentalités.
Phil Jimenez, Gene Ha, Nicola Scott se lâchent et s’en donnent à cœur-joie graphiquement. Ils imposent un style fantaisiste assez inhabituel en terme de grandeur pour ce comic-book et ne rechignent nullement à fournir des planches chargées. Le passage de relais du crayon à chaque chapitre découle naturellement, les trois artistes partagent en commun la passion de réaliser une narration galvanisante. La mise en page sonne juste de féérie et de magie. Les designs sont dignes de la Haute Couture. Le crayonné peut être simultanément doux et agressif. Les scènes de foule en imposent et les combats sont spectaculaires. Les arrière-plans sont fouillés, une profusion de détails inonde le gaufrier jusqu’à l’obsession. La représentation est tour à tour idéalisée, fantasmée et unique à chacune de ces «muses» de papier. Elles se croquent d’elles-mêmes. Le découpage est dense et resserré, les cases peuvent prendre de multiples formes. L’encrage posé s’applique avec élégance, distinction et richesse. La palette de pigmentations employée par Alex Sinclair, Hi-Fi, Arif Prianto, Romulo Fajardo Jr., Wesley Wong et Annette Kwok dynamite l’impression numérique. Elle ne manque pas de personnalité et trouve autant d’influences dans les peintures de la Renaissance si chère à Michel-Ange que dans l’Art Nouveau typiquement représentatif de Gustave Klimt. Les tons possèdent du modelé et de la texture, il se déploie un feu d’artifice fortement coloré aux codes visuels à grande échelle. L’illustration dans sa globalité, se veut précise et ambitieuse. Elle est habitée d’une classe énorme et se hisse à un niveau de standing élevé.
Cette œuvre controversée parue aux éditions Urban Comics est une lettre d’amour aux fans de Diana Prince ou pas, elle est emplie de valeurs optimistes et d’énergies positives qui fera l’unanimité auprès du lectorat. Mesdames, la situation évoluera alors gardez la foi !
Chronique de Vincent Lapalus.

© Urban Comics, 2023.
Design digne de la Haute-couture… ah, ça m’intéresse. Merci !
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