LE PASSEUR DE LAGUNES

Une ville d’eau : Venise. Un garçon désorienté : Paolo. Un daron qui s’évanouit dans la nature : Gabriele. Un scénario en béton et des illustrations sublimes. Le passeur de lagunes des auteurs Christophe Dabitch et Piero Macola aux éditions Futuropolis est indiscutablement à dévorer et admirer.

Au milieu de la lagune vénitienne, vogue une petite barque, sur laquelle naviguent un père et son enfant. A première vue, on pourrait penser qu’ils sont là pour une partie de pêche. Si on y regarde de plus près et si on écoute leurs échanges, on se rend compte que le géniteur est en train d’apprendre à Paolo les mystères cachés de ce grand labyrinthe. Pourquoi cela ? Il ne le sait pas encore, mais un jour lointain, il le saura.

Les années passent, Paolo est devenu un bel adolescent. Cela fait plusieurs jours que son paternel est parti et qu’il n’a pas donné signe de vie. Ses appels restent sans réponse et toutes les personnes qu’il interroge ne savent pas où se trouve Gabriele. L’ennui le pousse à rejoindre ses potes Ahmad, Luca et Fausto. Ensemble ils montent des plans foireux pour se faire de la thune. Quand on est pubère on est un peu con et on pense que s’accoquiner avec la mafia locale est une bonne expérience. L’idée est de trafiquer « La rose » pour les malfrats et se faire un max de fric. Le problème c’est que la commune est exigüe et elle est peuplée de margoulins qui eux aussi ont le désir de « planer » vers un monde meilleur. Les pilules rosâtres sont en partie volées, il n’est pas sûr que cela fasse plaisir aux criminels. A partir de ce moment-là, tout part en cacahouète. Les connaissances cartographiques des cours d’eau vont finalement servir à notre jeune héros… Grandir ne se fait pas sans mal et ça fait mal !

Christophe Dabitch, nous livre un scénario d’une force narrative éloquente. On pourrait presque y déceler un récit à huis clos. Venise s’y prête assurément. On parcourt la ville, le bord de mer, nous cheminons entre les îles, ainsi que sur elles. Pas de vues détaillées de la capitale de Vénétie, juste une excursion exaltante et palpitante dans les dédales de la cité. On y distingue une image moins flatteuse et festive, que celle que l’on veut bien nous montrer lors des séjours des touristes du monde entier.  La rudesse de l’histoire est allégée par le trait pastel et velouté de Piero Macola. Les couleurs utilisées sont en majorité des nuances de bleu et d’orange. Si une saison s’affiche tout du long de notre lecture, c’est clairement l’automne et ses teintes flamboyantes.

Les éditions Futuropolis ont publié plus d’une dizaine de bandes dessinées de Dabitch. A ses côtés d’incroyables artistes :  Abdallahi avec Jean-Denis Pendanx, La ligne de fuite et Mauvais garçons avec Benjamin Flao. Plus léger La colonne et Le roi des Mapuche sous la houlette de Nicolas Dumontheuil. Accompagné de Christian Durieux pour Le captivé et encore l’étonnant Mécaniques du fouet de l’argentin Jorge Gonzáles. On ne peut pas le nier, toutes ces publications sont d’une qualité exceptionnelle. Leur goût du dépaysement, des voyages et des portraits de vie atypique, ne pouvaient que réunir l’écrivain Bordelais et le créatif Vénitien qui a œuvré sur des ouvrages seul ou accompagné aux titres évocateurs : Dérives (Atrabile), Le tirailleur, Kérozène et Les nuisibles (Futuropolis). Un bouquet explosif !

L’été prend fin, l’automne est à nos portes, les vacances sont déjà un lointain souvenir. Pourquoi ne pas embarquer sur la minuscule embarcation et se laisser entraîner de part et d’autre au milieu des centaines d’îles qui recouvrent ce splendide Lagon de la mer Adriatique. Que le voyage commence !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Futuropolis, 2023.

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