Faut-il encore chroniquer Les cahiers d’Esther, alors que les animations issues de cette série font des centaines de millions de vue sur tik-tok ? Et en même temps, quel personnage plus emblématique pour vous souhaiter à tous une bonne rentrée, avec une pensée particulière pour ceux qui rentrent en terminale ! Riad Sattouf, grand prix 2023 à Angoulême, décline – dans Les Cahiers d’Esther, Histoires de mes 17 ans – une nouvelle tranche de vie de son héroïne féminine, que l’on suit depuis ses 10 ans. Et c’est un des intérêts de ce nouvel album (paru en juin aux éditions Allary) : plonger dans le monde adolescent, avec dans le rétroviseur le souvenir des années précédentes. Un exercice sociologiquement très intéressant, puisque directement inspiré d’un dialogue régulier avec une véritable personne du même âge, et une lecture toujours aussi peps, drôle, rafraîchissante et haute en couleurs. Incontournable !
Esther, jolie jeune fille brune, poursuit sa scolarité dans un lycée huppé – sans appartenir au monde des riches qu’elle côtoie – avec toujours quelques surprises à la clé. Fini Raiponce et les jeux de cours d’école… Esther fait du baby-sitting, observe avec circonspection ses amis qui testent la marijuana ou le poppers, passe son BAFA… Elle stresse énormément pour son bac de français, observe avec horreur les changements chez ses frères. Heureusement, sa meilleure amie Cassandre est toujours auprès d’elle. L’adolescente nous parle de l’ambiance familiale lors de la présidentielle, découvre le business model des salles de sport ; mais ajoute souvent une pointe de délires ; par exemple, rêver d’hommes nus à son service !
Pour réaliser ses planches, le dessinateur déroule un style bien rôdé et toujours aussi efficace : des dessins simples en noir et blanc, ou l’aplat des cheveux d’Esther met en avant le personnage, des visages bien présents où quelques traits suffisent à capter les ressentis de chacun, et une déclinaison de couleurs en aplat uni, accentuant les effets de lumière et les moments forts. Des planches de douze cases, laissant une part belle au texte, alternent avec des scènes de vie en pleines pages, souvent emplies d’émotion cette année.
Certains aborderont cette BD avec nostalgie – 17 ans, c’est le bel âge. D’autres, à la façon, d’Esther la liront en mode « ouaich, c’est trop vraie cette scène, il m’est arrivé la même », d’autres encore découvriront certaines facettes du monde adolescent : tester les limites, réaliser ses premières expériences professionnelles (et faire des erreurs, parce qu’on apprend encore), se poser des questions sur son avenir et sa vie amoureuse… Quoi qu’il arrive, franchement, vous ne ferez qu’une bouchée de cet album, où les chroniques hebdomadaires se transforment en une intrigue prenante… Sauf à s’attarder sur certaines cases – l’auteur ayant ce don de réaliser des dessins iconiques qu’on aime accrocher sur un mur, et de proposer des petites phrases qui font mouche. Et si votre rentrée ne s’est pas passée comme vous l’avez imaginé, rassurez-vous, vous verrez en dernière page que vous n’êtes pas les seuls – mais vous pourrez retourner à la page consacrée à une relaxation mentale, pour prolonger un peu les vacances à la plage. Merci Esther ! Et merci Riad Sattouf !
Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.

© Allary Éditions, 2023