La grande amitié de l’enfance peut-elle durer toute la vie ? Et si elle se brise, peut-on se reconstruire, refaire confiance, se ré-ouvrir à l’autre? L’échappée belle, de la canadienne Faith Erin Hicks – déjà primée deux fois du prix américain Eisner par le passé – est bien plus qu’une bande dessinée sur le thème de l’équitation. Parue aux éditions Rue de Sèvres, elle offre certes une variété de dessins qui raviront les amoureux des chevaux. Mais le scénario tire par ailleurs avec brio, petit à petit, les ficelles des relations humaines, et sera ainsi apprécié dés 9 ans. Pourquoi l’héroïne débarque dans un petit club, alors qu’elle monte avec excellence ? Sera-t-elle acceptée par le groupe d’adolescents habitué des lieux ? Et quel rôle peuvent jourer les encadrants dans cette dynamique ? Une BD qui casse les préjugés avec la présence d’un garçon au sein d’un groupe de filles, enrichie d’une chouette référence aux séries de science-fiction, qui nous rappelle qu’elles ne sont pas une exclusivité masculine !
Norrie, Hazel et Sam aiment passer du temps à l’humble centre équestre d’Edgewood. Norrie, très impliquée, voit d’abord l’arrivée de Victoria comme une menace. Il faut dire que la nouvelle réagit froidement à son accueil… Si Victoria garde ses distances, c’est qu’elle a été blessée par son amie de longue date : compétitive, Taylor a maintenant un cheval à elle… Mais elle a refusé que Victoria le monte et n’a pas compris son désir de passer du temps tranquillement avec les chevaux. Objet d’une pression pas toujours bienveillante à l’écurie Waverly, notre protagoniste a préféré en changer pour un centre plus modeste. A Edgewwod, elle reçoit non seulement la confiance des adultes, mais également l’intérêt des jeunes, dés lors qu’elle propose coopération plutôt que concurrence, pour s’occuper ensemble d’un nouveau cheval à dresser. La découverte d’une passion commune pour la série de science-fiction « Beyond the Galaxy » avec les autres achèvera de briser la glace. A la clé, un bel épanouissement et un happy end agréable.
Le dessin laisse la part belle aux équidés dans toute leur majesté. Expressif, il dévoile également la personnalité de chacun, donne de la place aux émotions en gros plan. La colorisation, réalisée numériquement, se veut simple mais juste, grâce à une large palette de couleurs, réalistes, et des dégradés et ombres utilisés à bon escient. Le format est appréciable, à la fois compact et généreux. La déclinaison sur 222 pages laisse le temps aux événements de se dérouler et approfondit les situations : les échanges tendus ou amicaux, les moments solitaires ou d’abattement, la nostalgie, la complicité… Sans oublier la riche relation à instaurer avec l’animal, pas à pas.
L’un des intérêts de cet album réside dans l’approche croisée entre l’équitation, qui développe les qualités humaines, et les méandres de l’amitié, tout aussi exigeante sinon plus. La patience nécessaire avec les bêtes, le soutien réciproque qui s’installe… Créer une relation solide à l’autre demande aussi que le courant passe, puis un investissement réciproque. En cela, le monde des séries et bande dessinée regorge de modèles inspirants en terme d’entraide, dépassement de soi et expériences propres à souder des liens. Tout est ici réuni, avec un résultat réussi ; et l’idée séduisante de sortir de l’esprit de compétition !
Chronique de Mélanie Huguet – Friedel


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