Les mythes ne demandent qu’à être revisités. Red Hood : Souriez ! imaginé par Chip Zdarsky, Eddy Barrows et Adriano Lucas aux éditions Urban Comics narre les aventures inédites et plutôt féroces du deuxième prodige des bat-justiciers. L’action à gogo et les tensions familiales sont au programme.
Gotham se retrouve sens dessus-dessous suite aux récents et tragiques événements. Ils ont engendré de nouvelles catastrophes et ennemis qui inondent les ruines de la ville. Une drogue nommée «Goutte de joie» ravage les rues. Elle provoque une sensation euphorique, un aller simple pour des hallucinations tellement agréables que le consommateur plonge dans un coma profond sans espérer un billet retour pour la réalité.
Jason Todd enfile son armure de guerre afin de débusquer le laboratoire responsable de ce fléau. Le légendaire Robin désavoué prend en charge le dossier de façon brutale, ses proies ont plutôt intérêt à parler sinon il se fâche tout rouge et emploie la manière forte pour leur délier la langue.
Jason ne se fixe aucune limite lors de ses interrogatoires, ses interventions ne passent pas vraiment inaperçues puisque le G.C.P.D. ramasse les suspects à la p’tite cuillère voire pire en buffet froid. Depuis sa résurrection à l’aide des puits de Lazare, Red Hood est atteint de profonds traumatismes. Il est devenu un véritable électron libre au comportement violent. Le jeune vigilante est empli de colère et a de maintes reprises, franchit la ligne interdite. Batman entre dans la partie pour tempérer les ardeurs de son ancien sidekick sans quoi les cadavres risqueraient de s’empiler sur le trottoir.
Après Batman : The Knight et Dark City, Chip Zdarsky récidive avec une œuvre très remarquée et prouve au passage que DC Comics ne s’est pas trompé en lui confiant les rênes de l’univers de la chauve-souris. L’auteur tape tous azimuts et sérialise une mini-série alliant intrigue sous pression et développement psychologique. L’ami Chip met l’accent sur la relation père-fils unissant Wayne et Todd. La thématique de la solitude au sein de cette famille dysfonctionnelle tient une place importante dans le récit. Il incorpore également le réalisme de l’addiction à la fiction, explore en profondeur des héros à la fois sombres et torturés comme jamais auparavant provoquant au passage une proximité émotive avec les personnages. Le scénariste rédige une trame narrative spontanée Pop ! Pow ! Blam !. Les dialogues sont soignés, pointus, rehaussés d’un regard neuf et de multiples clins d’œil à la sacro-sainte continuité. Les six épisodes qui composent l’album, possèdent une senteur de micro-crossover.
Eddy Barrows et Adriano Lucas se lâchent complètement et signent une performance graphique explosive. L’illustration haut de gamme tourne à plein régime et l’esthétique mérite la note maximale avec mention. Leur style est solennel voire maitrisé de bout en bout. La fluidité du coup de crayon se joint au maniement exemplaire de la pigmentation, ils se déploient de concert et en symbiose autant dans la composition que dans les tons appropriés nécessaires à ce genre de comic-book. Les séquences de flashbacks sont prises en main par des artistes invités, cette différence de ligne apporte une touche d’innocence bienvenue pour contrebalancer un ensemble déjà fortement opaque. Les pages se tournent à un rythme effréné et soutenu. Le crayonné, le découpage, l’encrage et la colorisation en jettent grave, nos deux brésiliens rendent une copie irréprochable et magistrale. La mise en scène monte en puissance, elle déboule puis chamboule.
Avec Chip Zdarsky accompagné de Ram V aux commandes des titres Batman et Detective Comics, la major à deux lettres se paye le luxe de miser sur une production hautement qualitative grâce à l’approche originale déployée par ces talentueux artistes. La végétative mais distinguée concurrence devrait en prendre de la graine au lieu de passer son temps à offrir au lecteur du mainstream survitaminé sauce 90’s qui sent le réchauffé à plein nez…
Chronique de Vincent Lapalus.


© Urban Comics, 2023.