Ambroise Paré Le père de la chirurgie

Ici, point de « NFS – chimie – Iono » ni de Georges Clooney à votre chevet ! Diantre ! En 1533, c’était plutôt saignées, cautérisations barbares, ventouses… Et s’en remettre à Dieu. La sortie du Moyen-Âge ne signa pas la fin d’horribles pratiques de soins. Mais quelques praticiens, petit à petit, prirent conscience, sur le terrain, qu’une médecine plus scientifique, plus humaine, était possible. Parmi eux, Ambroise Paré, sujet d’un biopic aux éditions Les Arènes BD, et surnommé « Le père de la chirurgie » par les auteurs. Il faut dire qu’il a été le médecin officiel des rois, d’Henri II à Henri IV. Une équipe expérimentée est à la hauteur de la grandeur de ce personnage : Le scénariste Pierre Boisserie – ancien kiné – a coécrit l’ouvrage avec Jean-Noël Fabiani Salmon, chirurgien et co-directeur de l’enseignement de l’histoire de la médecine (également auteur de « l’incroyable histoire de la médecine »). Dessinant aussi précisément que notre protagoniste maniait la lancette, l’expérimenté Vincent Wagner s’est attelé à l’illustration.

A la Renaissance, ce sont les barbiers qui soignent les blessés, tout simplement parce qu’ils sont les seuls à posséder des lames vraiment coupantes. Ambroise Paré, maniant ces outils avec dextérité, a également l’intelligence de ceux qui observent, analysent, et en tirent des conclusions scientifiques ; quitte à remettre en question les savoirs en place. Après avoir beaucoup pratiqué clystères, bandages et autres sutures à l’Hôtel-Dieu, il part au service de l’armée de François Ier, dans le Piémont. Il découvre que brûler les plaies à l’huile de Sambuc est une ineptie. A Padoue, chez un maître italien, il apprend plus en autopsiant des corps qu’à écouter les pontes de la faculté ânonner en latin… Son bon sens et ses initiatives sauveront aussi bien des femmes accouchant que le Duc de Guise, qui avait, bravache, participé à un tournoi et reçu une lance en pleine tête. Les puissants ne s’y trompant pas, il deviendra le médecin des rois, survivant à la peste et à la folie des guerres de religion. Les dialogues sont riches, les anecdotes incroyables. Il faut dire que les croyances étaient nombreuses, et que si, par exemple, le chirurgien a une vision très claire du développement embryonnaire, il fait part dans le même temps de remèdes pour éviter le ventre ridé à base de limace rouge, crottin de cheval, romarin et soleil…

Le dessin, réalisé à la tablette graphique, est lumineux, moderne, dynamique ; et s’agissant de médecine rudimentaire, forcément riche en corps balafrés, ensanglantés. Il affiche des traits et des couleurs francs, mais non dénués de nuances. La reconstitution historique est fidèle à la période – la Renaissance – des soldats en armure et casque aux vêtements à bouffants et collerettes, du bâti à pans de bois aux fenêtres à petits carreaux – sans oublier toute la diversité des outils inventés par notre protagoniste : pied de griffon, élévatoire, tenaille… Le découpage et l’organisation des vues font preuve d’une grande maîtrise contribuant à rendre l’ensemble passionnant, tout comme l’insertion d’illustrations sous forme de gravure ou d’enluminure.

Né sous Louis XII, mort sous Henri IV, Ambroise Paré est une légende de la chirurgie française. Cet homme entier qui a su allier logique et courage, et moderniser résolument les pratiques et écrits  méritait ce récit, éclairant et inspirant, qui satisfera les amateurs d’Histoire de France comme les scientifiques… Sans oublier les curieux !

Chronique de Mélanie Huguet – Friedel

© Les Arènes BD, 2022.

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