JURASSIC LEAGUE

C’est dingue, on en apprend tous les jours ! Figurez-vous que la super équipe de DC Comics existait déjà depuis des millions d’années, je n’ai pas eu besoin d’ouvrir un manuel de paléontologie pour le savoir, juste d’acheter Jurassic League aux éditions Urban Comics. Les archéologues du comic-book Daniel Warren Johnson, Juan Gedeon et Mike Spicer ont déterré quelques fresques murales pour mettre l’ensemble des amateurs d’accord.

A l’aube d’un passé fort fort lointain, dans la jungle de Grognetham City, au village de Metrrrrrrrahpolis ou en bord de mer, beaucoup de bestioles bipèdes disparaissent en masse. Les méchants Jokerzard, Blackmantasaurus, Giganta, Brontozarro, Nega-Slash et Atrocitaurus font une razzia sur les chairs tendres car leur but est de nourrir l’Embryon Noir. La chaine alimentaire va bon train.

C’est sans compter sur un groupe de dinosaures irréductibles parlant l’humain et dotés de pouvoirs extraordinaires à qui il revient de protéger le monde. Batsaure, Supersaure, Wonderdon, Aquanyx, Flashraptor et Green Torch forment la team des hyper-reptiles. Comme le dit le ô combien dicton populaire : « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs !». Pour le coup, le plat de résistance risque d’être dur à avaler ! Les silex se taillent en forme de Batarang, les lames en dents de scie coupent comme des tronçonneuses et on pète des « bûches» pour bâtir une forteresse de solitude imprenable afin d’éviter l’éclosion du vilain pas beau Darkyloseid.

Par Toutatis, le ciel risque de leur tomber sur le crâne.

La célèbre major à deux lettres prête ses jouets à un fantaisiste iconoclaste qui les adapte à son univers complètement allumé, débridé et barré. Daniel Warren Johnson officie en tant que scénariste et cover-artist sur sa nouvelle production. L’artiste est un ambassadeur du cool, libre de faire ce qui lui chante et excelle dans la discipline. Le récit rock’n’roll n’est qu’un prétexte pour donner vie à une bagarre générale s’étalant sur 144 pages. Le père Johnson ne se prend pas au sérieux, le one-shot s’aborde dans un foutoir festif totalement assumé. Ça cartonne et bastonne avec dérision, démesure et surtout sans retenue. L’intrigue est fine comme un poil de cul, elle est garantie 100% blockbuster et feel-good. Le mélange entre super-héroïsme et préhistoire est certes improbable au premier abord mais convainc par un caractère brutal et inattendu. L’auteur a la fibre ès-déconne, l’humour de situation est omniprésent en jouant à fond la carte de l’incompréhension inter-espèces. Le lecteur se poile devant autant d’audace. Cet elseworld s’avère être une lecture enjouée, un rien bourrin et ultra efficace. Nous retrouvons l’esprit loufoque venu de Murder Falcon, le côté bon vivant de Beta Ray Bill, la quête de l’absolu d’Extremity et les relents de fin du monde de Wonder-Woman Dead Earth. DWJ rédige une mini-série à la fois pop et rafraîchissante.

Juan Gedeon et Mike Spicer se chargent de la partie graphique. Ces gars savent comment mettre en image l’énergie, esquisser des choses violentes et folles. Le style sauvage et primitif est prêt à bondir, le crayonné explose de rage et dégage de la patate. Chaque protagoniste est un écho d’un spécimen bien spécifique. Le Tyrannosaurus rex symbolise Batman, l’indestructible Brontosaure se caractérise à merveille en Superman, le Tricératops campe une solide Wonder-Woman, le speed Velociraptor trouve une magnifique incarnation en Flash et etc. Le trait est épais, il en découle un dessin punchy à souhait. La représentation est fantasmagorique. La souplesse du crayonné se mixe à la spontanéité, elle se griffonne limite sur du papier bon marché dans un généreux élan de galbe et d’arrondis. L’illustration a de la gueule, les lignes d’action donnent le tempo. Juan Gedeon ne s’embarrasse pas à fournir des arrière-plans élaborés, il les croque et plante un environnement avec simplicité. Le découpage favorise les cadrages serrés, les cases possèdent du nerf à revendre. Le rendu des faciès s’exprime avec force, éloquence et varie selon les plaisirs. L’encrage hargneux se répand au karcher, il est lié à la nature même du titre. Ce parti pris visuel recouvre un tracé pâteux d’une empreinte poussiéreuse voire sale. La colorisation quant à elle est une tambouille de sucré-salé. Les bleus, violets et verts envahissent la pagination dans un délire visuel nuancé à outrance. Les teintes apportent une touche acidulée opportune, voici un véritable spectacle vif aux tons chauds et lumineux qui saute au visage. Mike Spicer est un enlumineur punk, son esthétique tranchante est sévèrement burnée.

Daniel Warren Johnson se range dans la catégorie des originaux comme Kaare Andrews et James Harren, ces sales gosses de la bande dessinée américaine n’ont pas la prétention de vouloir produire des chefs-d’œuvre à chaque projet. Ils souhaitent seulement renouer avec la folie des débuts à l’aide d’une vision plutôt énergique, animée, habitée voire possédée. Nuff said…

Chronique de Vincent Lapalus.

© Urban Comics, 2023.

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